samedi 26 novembre 2011

Bourka chez les Haredim : enfin des réactions !

Il y actuellement une secte juive, qui sévit parfois à Mea Shearim mais essentiellement à Bet Shemesh, et dont l'influence grandit de jour en jour. Elle touche essentiellement les femmes et leur fait perdre tout discernement. On les surnomme les talibanim...*

On reconnait facilement ses adeptes à leur accoutrement, vu que les femmes qui y adhèrent portent ce qu'elles appellent un "châle", mais qu'on appelle plus souvent une "bourka" (à tort, car en fait il s'agit plutôt d'un niqab, noir ; la bourka utilisée traditionnellement en Afghanistan étant bleue et ornée d'un grillage absent chez nos coreligionnaires). On peut aussi donner a cet accessoire le sobriquet de "froumka".

Cela concernerait un noyaux dur d'une centaine de familles, avec environ 500 autres sympathisantes.

Au début, "on" pensait que ce n'était qu'une lubie vestimentaire (quand le mieux est l'ennemi du bien...). Ce qui était le plus dérangeant, c'était la connotation de cette tenue, qui laissait penser qu'on avait affaire à une musulmane particulièrement zélée (et potentiellement dangereuse dans un climat politique tendu). Certaines ont remédié à cela en ornant leur tenue d'une Etoile de David, pour un résultat, il faut le dire, plutôt cocasse aux yeux du passant non averti. Autre élément dérangeant : le port de cet accoutrement commence à l'âge de 3 ans déjà ! Même la clique à Ben Laden n'avait pas osé aller aussi loin...

Ensuite on a eu connaissance de plus de détails sur les règles de vies imposées par ces groupuscules. Sans que ces informations aient pu être vérifiées, plusieurs témoignages décrivent exactement les mêmes comportements. 
A part l'habillement (en plus du "châle", toutes les parties du corps doivent être recouvertes par au moins trois épaisseurs de vêtements, y compris à la maison), la plupart des règles concernent l'intimité. Les femmes ne peuvent s'unir à leur mari qu'une fois par mois, et ne doivent pas avoir de relation qui ne pourrait être fécondante (par exemple pendant la grossesse ou après la ménopause). Avant le mariage, la kalla ne va pas au mikvé pour éviter que son mari ne la touche en public après la houpa, ce qui risquerait d'"éveiller les pulsions des hommes qui voient cela" (sic). De plus, il est interdit de se laver tout le corps en même temps (uniquement un membre à la fois), et pas plus d'une fois par semaine. Tout savon, parfum ou déodorant est proscrit, de même que les lessives ou les détergents parfumés. Les bonnes odeurs sont impudiques, parait-il... 
Inutile de préciser ce qu'il est du maquillage ou des talons hauts ! Enfin, le taanit dibour est fortement encouragé...

Selon un psychologue israelien, ce comportement de privation extrême répond aux même mécanisme que l'anorexie qui touche les jeunes filles occidentales. On a là un comportement obsessionnel probablement pathologique. Alors, évidemment, si ce n'était que cela, ce ne serait pas trop mon problème, cela ne fait de mal à personne (si le mari est d'accord) et après tout le ridicule ne tue pas.

Hélas, ce n'est que la pointe de l'iceberg. Le réel problème ne vient pas tant de l'habillement mais de ce qui se passe lorsqu'une situation grave survient ('has vechalom). De plus en plus d'histoires inquiétantes arrivent aux oreilles du public, et on se rend compte qu'il n'y a pas que l'habillement qui rappelle l’Afghanistan.

Cela a commencé avec la condamnation de la fondatrice de ce mouvement, la ""rabbanit"" Bruria Keren, qui fut emprisonnée en 2007 pour avoir abusé sexuellement de ses enfants, avec la complicité de son mari. C'est maintenant la ""rabbanit"" Bracha Benizri qui a pris le relai en menant une campagne très active. Le mouvement compte d'autres groupuscules plus ou moins indépendants, ainsi qu'une antenne au Canada, appelée Lev Tahor et dirigée par un certain Shlomo Elbarnes, qui est placée sous surveillance étroite des autorités canadiennes et américaines à cause de plusieurs scandales impliquant des mariages de jeunes filles de 13 ou 14 ans.  

Un autre cas fait état d'une famille, adhérante à la secte, dont la fille a été victime d'une grave brûlure (Hachem yichmor). Ses parents l’emmènent aux urgences mais refusent qu'elle soit soignée par un homme. En l'absence de femme médecin disponible dans l’hôpital, les parent quittent les urgences et ramènent leur fille chez eux, où ils la feront soigner tant bien que mal (par qui ?). On ne sait pas ce qu'il est advenu de la fille, on peut espérer que la malheureuse n'aura pas de séquelles, mais que se serait-il passé si la jeune fille avait été plus gravement blessée et avait eu besoin de soins sans délai ('has vechalom) ?

Il faut aussi mentionner le cas d'une femme enceinte ayant décidé d'accoucher à la maison, seule avec son mari, car elle ne pouvait s'offrir les services d'une sage-femme. La secte est en effet opposée à tout accouchement à l'hopital (des fois qu'un médecin entrerait par surprise dans la salle de naissance ?), donc dans le meilleur des cas, c'est une sage-femme qui assiste la parturiente chez elle. 
Mais la dame de notre cas n'avait pour l'aider que son époux, qui n'était apparemment pas du tout préparé à la chose. Hélas, les évènement ne se passèrent pas tout à fait comme prévu (lo alenou) et le bébé - prématuré - semblait dans un état préoccupant. Malgré le refus de la mère d'appeler une ambulance, le père se décide quand même a contacter un volontaire d'Hatzala du quartier. Celui-ci prend le bébé de force et l'emmène à l’hôpital, tout en refusant de donner l'identité des parents de peur que ceux-ci ne soient poursuivis. Cela se passait il y a une dizaine de jours. Le bébé est maintenant hors de danger mais les services sociaux refusent de rendre l'enfant tant que les parents ne se seront pas identifiés et n'auront pas été entendus par les forces de l'ordre.

Ce comportement, faisant passer la piété avant la vie est indiscutablement contraire à tous les principes du Judaïsme. 
Il est vrai que la tsniout est une mida très importante, et la plupart des grands rabbanim s'accordent à dire que c'est, pour beaucoup de personnes, l'une des épreuves les plus difficiles de notre époque, avec son pendant la chmirat einayim
Mais il faut garder les pieds sur terre ! 
On est ici tout à fait dans le cas du Hassid Choté (Sota 21b), le "Pieux Idiot", qui refuse de sauver une femme qui se noie par crainte de la situation impudique que cela causerait. D'ailleurs Rabbi Yehochoua ne manque pas de dire que "le Hassid Choté détruit le monde" (Sota 20a). 

N'importe quelle personne un peu instruite, ayant de bonnes bases dans l'étude de la Torah éviterait sans peine de tomber dans un piège aussi grossier, mais le problème est que cette secte (comme toutes les autres) recrute des personnes fragiles, principalement des baalei techouva. Elle les pousse à faire toujours plus, sans qu'elles puissent savoir à quel moment elles ont franchi la limite du trop.

Signalons tout de même que beaucoup de maris sont hostiles à ce phénomène. Ainsi, pour éviter que ceux-ci ne jettent le courrier de propagande qui est adressé aux femmes, la secte utilisent de fausses enveloppes, se faisant passer pour des entreprises afin de passer plus facilement le barrage marital. Apparemment certaines "rabbaniot" ont oublié l'importance du chalom bayit...

Finalement, la principale différence avec l'Afghanistan, c'est que là-bas, ce sont les hommes qui oppriment leurs épouses, alors qu'ici on est face à un mouvement créé par des femmes, pour des femmes et auquel elles adhèrent de leur plein gré.

Bref, maintenant que le portrait des talibanim a été esquissé, passons aux nouvelles un peu plus réjouissantes. 
Il a fallu du temps, mais les choses commencent à bouger. 
Une fois n'est pas coutume, les premiers à s'élever contre les dérives de la sectes ont été... les Netourei Karta ! Eh oui, le changement, ils n'aiment pas ça, et ils ont donc vu d'un très mauvais oeil toutes ces nouveautés... Depuis, ils sont en guerre ouverte contre les talibanim (si seulement ils pouvaient se concentrer sur ça et arrêter leurs singeries avec Ahmadinejad, tout le monde s'en porterait mieux).
Plus sérieusement, au niveau officiel, c'est le tribunal des affaires familiales de Rishon Letsion qui a ouvert les hostilités le mois dernier en interdisant à deux soeurs de Bet Shemesh, agées de 13 et 14 ans, de se rendre au Canada, leur famille souhaitant qu'elles rejoignent la communauté de M. Elbarnes (probablement pour être mariées). 
A cette occasion, le Ministère des Affaires Sociales ainsi que la municipalité de Bet Shemesh ont également fait part de leurs inquiétudes face aux agissements de la secte, cependant dans un climat religieux tendu (il y a depuis quelques mois de nombreux heurts opposant Haredim et Datim entre Bet Shemesh et Ramat Bet Shemesh), cette dernière joue plutôt la carte de l'apaisement.
Il a également été demandé à la Cour Suprême de se prononcer purement et simplement sur la légalité de la secte, et son avis est attendu avec impatience, bien qu'un démantèlement soit impossible à mettre en pratique.
A la suite de l'affaire du bébé que j'ai mentionné plus haut, la Badats a lui aussi décidé de mettre un terme à ce phénomène. Une première lettre rejetant fermement ce comportement a été publiée. Elle mentionne un "groupe de femmes qui ont détourné la Torah [...] et ont choisi, [entre autres,] de ne pas envoyer leurs enfants à l'école et de les priver de soins médicaux". Le Badats recommande de se tenir éloigné de ces personnes là, et informe de son intention de faire retirer leurs enfants à ces familles en saisissant les autorités judiciaires et les services sociaux (étonnant lorsque l'on connait les piètres relations qu'entretient l'Eda Haredit avec les autorités israéliennes). Une seconde lettre, portant plus précisément sur la tsniout a également été publiée. Rappelant la nécessité d'une tenue décente, elle précise que certaines façons de se couvrir et de se comporter dans le couple n'ont pas l'approbation des rabbanim et sont interdites. A fortiori si elles posent des problèmes de chalom bayit, même si elles sont parfaitement pudiques et apparaissent comme des houmrot en matière de tsniout. Notons qu'il y a 6 ans, plusieurs rabbanim de l'Edah Haredit avaient pourtant recommandé le châle, mais ont depuis fait volte-face suite à l'affaire Bruria Keren.
Enfin, un  mystérieux"comité de lutte contre la secte des femmes cruelles" est apparu. Sans que l'on sache exactement qui se cache derrière, il affiche régulièrement des manifestes contre les talibanim dans les rues de Bet Shemesh.

talibanim a Bet Shemesh


*personnellement je suis horrifié par ce double pluriel, taliban étant déjà le pluriel de taleb, mais je suppose que tout le monde s'en moque.

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