jeudi 4 août 2011

Minhag APAM

Parmi la multitudes de rites différents qui composent le Judaïsme italien, il en est un qui me tient particulièrement à coeur.
Peut-être parce que c'est le mien...
Il s'agit du minhag "APAM"

APAM, ou AFAM sont les initiales de trois villes piémontaises : Asti, Fossano et Moncalvo.
Suite aux expulsions des Juifs de France au XIVe siècle, une partie d'entre eux fuit vers l'Italie et décide de se regrouper dans la province d'Asti afin de préserver ses coutumes.
A l'origine, ce sont donc des Juifs de France, pratiquant le minhag tsarfati, comme par exemple Rachi et Rabbenou Tam, qui est en quelques sortes l'ancêtre du minhag ashkenaze.
Du point de vue ethnique, ils sont sans aucun doute Ashkénazes, surtout si l'on se base sur une légende selon laquelle tous les Ashkénazes seraient les descendants d'un certain Kalonymus, un Italien d'origine Romaniote choisi par Charlemagne pour implanter une communauté juive dans son empire à la fin du VIIIe siècle. Avec le temps, les Ashkénazes auraient vu leurs coutumes évoluer et s'éloigner sensiblement des origines Italkites et Romaniotes. A leur retour en Italie cinq cent ans plus tard, les Ashkénazes de France ont donc non seulement une liturgie mais aussi des lois légèrement différentes des Italkim. Et sur certains points, ces différences seront jalousement préservées. En effet, pendant les XVe et XVIe siècles, à l'époque ou ont lieu les grandes codifications de la halakha, les Juifs d'APAM sont un peu isolés des principaux décisionnaires, comme le Rama en Pologne. Cela leur permet d'échapper à l'uniformisation du rite ashkénaze, et cela fait d'eux les derniers gardiens de certaines traditions françaises qui ont été perdues partout ailleurs. Par exemple, les Juifs d'APAM attendent trois heures entre la viande et le lait, comme les Yekke en se basant sur l'opinion des Tossafot, probablement car c'était l'intervalle courant entre deux repas en hiver en France. Autre exemple, se basant sur une koula de Rabbenou Tam, ils consomment les fromages (à pâte molle) des non-juifs (gvina akoum).
Malgré la volonté de se distinguer des autres coutumes juives environnantes, ils sont quand même obligés d'adopter la halakha suivie par les Italkim (le minhag hamakom) sur les grandes questions, comme les lois de chabbat ou de la che'hita. Cela est nécessaire pour pouvoir nouer des liens sociaux avec les autres Juifs de la région (Italkim, Romaniotes, Séfarades et même Ashkénazim de l'Est qui avaient des coutumes encore différentes).
Mais si la loi suivi a APAM est finalement un mélange de celle des Ashkénazim de France et des Italkim (qui  n'est pas si différente puisque dans les deux cas basée sur le Talmud de Jérusalem), c'est surtout au niveau de la liturgie qu'APAM se distingue. On dit que les synagogues d'APAM sont les seules où l'on peut encore entendre les mélodies qu'entonnait Rachi...
Une autre particularité d'APAM est que toutes les traditions et toute la liturgie se transmettaient oralement. Jamais aucun code de loi ni aucun livre de prière de ce rite n'ont été publiés, hormis quelques fragments d'un manuscrit des prières des jours de fête (Ma'hzor APAM). Hélas, c'est ce qui cause maintenant la disparition de ce minhag dont la transmission pendant le XXe siècle a été très difficile à cause de la Shoah et de l'assimilation.
Sur les origines du minhag APAM, je vous suggère d'écouter cette conférence, sur le thème du minhag Tsarfati.
Aujourd'hui, il ne reste de tout cela qu'une seule synagogue en activité, celle d'Asti, qui n'est plus en service régulier mais qui est parfois ouverte à l'occasion de certaines fêtes ou pour des célébrations. Seule une poignée d'Anciens, parlant encore le dialecte Judéo-Piémontais, porte les derniers témoignages d'une culture que l'on peut considérer comme éteinte. Des enregistrement d'airs d'APAM figurent sur un CD intitulé "Tradizioni musicali degli ebrei italiani".

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